chapitre 17

Publié le par Adrien Tonau

Je me relevais brusquement et attrapais l’ex-prisonnière au poignet, nous nous postâmes sur les arbres alentours, elle m’appela :

- Sacapus, ils nous ont suivis. Quand tu es parti, la grotte a été illuminée comme par un éclair. Dès qu’ils auront trouvé la pierre, ils vont venir les uns après les autres. A moins qu’ils ne croient que…

Elle s’interrompit, un sourd bourdonnement faisait frémir l’air alentour. Une gigantesque libellule rasa la cime de nos perchoirs.

Ma complice reprit, d’une voix inquiète :

- Tu as vu ça ? Je n’en avais jamais aperçu de si grosse, elle pourrait chasser un aigle ! Où sommes-nous ?

Un vent violent déchira soudain les feuillages alors qu’un halo solaire envahissait ce sombre endroit. Trois corps tombèrent les uns après les autres. Nous convînmes :

- Le Phasme d’abord !

Le plus long des hommes fut criblé de flèche alors qu’il se mettait péniblement à genou. Il poursuivit néanmoins son effort et se redressa totalement. Une rafale souleva doucement son vêtement, nous ne l’avions pas blessé, il portait sur son dos un épais bouclier. Il se retourna et décocha dans ma direction. Je basculai en arrière et chutai. Je parvins à m’accrocher à une branche avant d’atteindre le sol. Un sifflement trancha l’air. Rien. Le Phasme avait manqué sa deuxième cible. Je réussis à me hisser sur mon appui. Allongé dessus et dissimulé par de larges feuilles, j’ajustais mon tir.

Quelle ne fus pas ma surprise, il n’y avait plus personne dans la clairière, pas même de cadavre ou de jeune fille. J’étais seul.

 

……………….

 

 

 

Je descendis de mon perchoir et entrepris d‘examiner le sol.

Soudain, une douzaine d’hommes armés en hoplite sortirent des fourrés, Çaelia et ses anciens geôliers étaient alignées, pieds et poings liés. Je dus me rendre et reçu le même traitement. Nos gardiens ne nous adressèrent pas la parole et nous partîmes aussitôt pour une marche qui devait durer plusieurs heures.

Personne ne prononçait un mot, au-dessus de nos têtes évoluaient des centaines d’espèce d’insectes exotiques et à nos pieds rampaient des scorpions aussi longs qu’un homme pourchassant des milles pattes de taille comparable. Parfois de gigantesques araignées surgissaient et faisaient sensiblement ralentir la marche pendant que les soldats les dépeçaient. Le ciel bleu ne semblait tout simplement pas exister ici, le domaine d’Uranus n’était qu’une brume opaque qui masquait le soleil, faisant régner la nuit avec une lune de feu. Que d’étranges végétaux nous croisions ! Certaines feuilles étaient si épaisses que l’on aurait pu les employer pour façonner la coque d’une galère, d’autres avaient un tronc si large qu’il en eut suffi d’un seul pour charpenter un aqueduc au-dessus d’un profond canyon. Bientôt l’astre du jour disparut et nous fûmes plongés dans une profonde obscurité, nous sentions alors, frôlant nos membres, de nombreuses bêtes aux robustes cuirasses et aux mâchoires dévastatrices. Cela faisait alors six heures que nous cheminions à marche forcée et je ne ressentais toujours pas le moindre signe de fatigue, d’essoufflement.

Nous sentîmes bientôt que l’atmosphère s’éclaircissait. Une imposante masse de pierre de dessinait dans le lointain. Bien qu’illuminée par de nombreux flambeaux, elle n’en demeurait pas moins effrayante. C’était une construction troglodyte qui trônait au dessus de ces denses forêts, affirmant ainsi l’écrasante suprématie que ceux qui l’habitaient.

Il se mit rapidement à pleuvoir, la terre, un humus plus haut qu’un étage, se déroba brusquement et nos pieds commencèrent à s’enfoncer. De sourds bourdonnements envahirent les environs tandis que notre avancée ralentissait à chaque pas. J’entendis un premier hurlement, horrible, celui d’un homme torturé à mort. Il y en eut bientôt un deuxième, une odeur de sang commença à se répandre dans l’air. Nous courûmes le plus vite possible dans cette obscurité totale, seulement guidés par les lueurs de la forteresse. Je sentis bientôt mon geôlier me tirer par le bras en hauteur. Mes jambes furent arrachées du marécage et je quittai le sol. Je vis mes compagnons embourbés un court instant avant que ma hauteur ne devinsse trop importante. Je sentis soudain que le lien qui m’unissait à mon gardien se rompait. Dès lors je chutai, une descente qui me parut n’être qu’un rêve. Je m’écrasais, brusquement ramené à la réalité, dans un épais lac de boue, paralysé par le poids de la terre, aveuglé par les ténèbres. Je n’entendais plus que des plaintes, des cris déchirants. Je me laissais couler, lentement, au fond de mon abri froid et humide.

Ce théâtre devenait rapidement un charnier, les bruits de corps qui s’écrasaient, d’os qui se rompaient me parvenaient à chaque instant. Parfois des soldats, jetés avec violence par nos mystérieux prédateurs, coulaient à pic à moins de trois pieds de moi.

Des étincelles zébrèrent soudain les cieux et des dizaines de traits enflammés s’abattirent sur cette plaine dans leur sifflement terrifiant. Je me tournai, je portais sur le dos mon massif bouclier et en fis usage. L’endroit fut rapidement éclairci par les nombreuses flèches. Les silhouettes des cadavres horriblement mutilés se distinguaient avec une netteté alarmante. Le feu semblait s’élever plus haut et consommer plus rapidement le bois. De même, son éclat était multiplié. Les bêtes s’éloignèrent, les bourdonnements se turent et la rivière de sang fut tarie. Dominant à nouveau le battement des ailes, les gémissements des mourants accablèrent mon ouïe.

Une main, chaude par rapport à notre environnement, toucha la mienne. C’était celle de Çaelia, elle était vivante. Elle me sourit tant bien que mal, je lui rendis ce signe. Nous nous résolûmes à attendre que nos agresseurs, humains, s’en aillent.

Publié dans erebusbiblotecae

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