chapitre 7

Publié le par Adrien Tonau

 

Le surlendemain, je rencontrais Hibiscus. C’était un homme plus jeune que Morcactus, ses dents garnissaient sa large mâchoire en plus grand nombre, leur disposition anarchique rappelait vaguement l’idée d’un requin. Sa peau, plus dure encore que celle de mon maître ne faisait rien pour dissiper cette image. Son faciès pâle et allongé percé de deux petites narines, moins profonde que les cicatrices qui lui couvraient le visage lui conférait une allure de squale. Pour finir, ses yeux noirs et profondément enfoncés dans leur orbite ne laissaient transparaître aucune émotion et sublimaient sa ressemblance avec ces terribles seigneurs des mers.

Nous prîmes à pied la route de la villa d’Infarctus, un poisson eut été plus loquace que mon compagnon. Le soleil était alors à son zénith et éclairait violemment les éclatantes voies pavées. Les champs de blé et les oliveraies côtoyaient les luxueuses demeures de leurs riches propriétaires. Nous fûmes bientôt rejoints par un char. Je reconnu son passager, c’était le jeune sénateur que j’avais rencontré aux thermes. Il ne sembla pas me reconnaître et bientôt le vacarme des sabots s’éloigna au delà de l’horizon.

Nous marchâmes encore jusqu’à ce qu’Hélios eut atteint la moitié du ciel Occidental. Les quelques nuages de la voûte céleste se dissipaient et annonçaient une nuit étoilée. Le ciel s’empourprait lentement par teintes successives et les nuages rappelaient l’écume marin au crépuscule. Hibiscus m’adressa pour la première fois la parole :

- Morcactus m’a demandé de te dire cela, lorsque je te ferais le signal, tu renversera le plateau sur la fille, pas avant.

- Quel signal ?

Il daigna répondre à ma question en me montrant un sac de cuir. Il l’ouvrit, à l’intérieur, de la pyrite broyée du Vésuve, une poudre hautement explosive. C’était un signal que je ne pouvais manquer et qui me donnait une excuse.

 

Nous parvîmes enfin à l’opulente demeure au coucher du soleil. Les fresques du sol étaient piétinées par les serviteurs et les invités. Hibiscus s’éloigna rapidement, maintenant j’étais seul. Deux types de personnes se distinguaient aisément, d’abord les employés à qui l’on prêta des toges de toile grossières et une corde en guise de ceinturon. Ensuite les nobles invités, vêtus de vêtements luxueux, les hommes dans leur tuniques immaculées et les dames, parées de leurs plus beaux bijoux et de robes aussi finement ouvragées que provocantes.

Cette société s’était assemblée près d’un bassin ou régnait un faible courant qui tractait les mets les plus raffinés sur de petites embarcation jusqu’au palais délicats des hôtes les plus distingués. La boisson coulait à flots et les rires fusaient de partout. Je me vis bientôt confier une de ces assiettes d’argent qui supportaient les coupes. Les gosiers s’emplissaient de vins de d’Égypte, de Grèce et de Gaule. Les gourmets mangeaient avec parcimonies alors que certains avaient déjà visité le Vomitorium plusieurs fois.

Peu à peu des groupes se formèrent et je pus mener mon inspection à mon aise. Le soleil venait de passer sous l’horizon et les étoiles s’allumaient. Les constellations apparurent et les plus savants débattirent sur la vie de ces héros. Bientôt on alluma les torches et, le clair de lune aidant, la soirée revêtit un air grandiose.

C’est alors que parut la plus belle créature que je n’avais jamais vu. Ce n’était plus une enfant, pas encore une femme. De ses cheveux de lune, regroupés en un chignon élaboré, deux mèches légèrement bouclées encadraient son visage délicat . Elle avait des yeux en amande d’un vert émeraude et ne semblait porter aucun maquillage néanmoins, son regard, captivant, calmait la colère et apaisait la tension. Elle portait un collier avec une larme de saphir qui descendait à mi chemin entre ses jeunes seins. A ses poignets pendaient une paire de minces bracelets d’or, ses seuls bijoux avec son pendentif. Sa robe indigo était probablement la moins élaborée, elle ne lui découvrait que la gorge et les bras mais la beauté de sa propriétaire la rendait supérieure à toute autre, le vêtement était la convoitise des femmes, la jeune fille celle de la gente masculine.

Un vieil homme qui portait un collier de barbe blanche sur son menton gras s’approcha d’elle. Il avait l’air d’un sympathique vieillard. Je l’avais déjà entraperçut lorsque j’avais été recruté pour cette réception. Ce devait être lui, Infarctus. Il gravit un large escalier qui menait à un bâtiment annexe de sa villa, tenant la vénus à l’épaule d’une main paternelle.

Du haut de cette tribune improvisée, ils se retournèrent. Le vieil homme commença, d’un ton triste et solennel :

- Chers amis, voilà six mois, j’ai été affligé d’un grand malheur en perdant ma bien-aimée Cardia, elle faisait battre mon cœur et je la regrette profondément….

Infarctus reprend, mais avec un ton plus jovial :

- Aujourd’hui je viens de finir mon deuil alors que ma plus jeune fille, çaelia, est maintenant une femme. Aussi, c’est pour fêter cette heureux événement que je vous aie convié ce soir.

La jeune fille adressa un sourire radieux à l’assemblée. Son père finit son discours sur un ton faussement confidentiel :

- Et, bien entendu, si l’une de ces ravissantes dames acceptait de passer le reste de ses jours avec le vieillard sénile que je suis, alors je serais comblé.

Infarctus descendit de son piédestal et fit signe de le suivre. La foule se déplaça bruyamment dans la direction opposée à la villa. Je suivis le mouvement et m’émerveillais du raffinement de l’endroit, les jardins et les arbres méridionaux abritaient de nombreux bancs où le promeneur pouvait s’attarder. L’éclat des torches se reflétait dans les bassins et les canaux et ne scintillaient pas moins que le ciel. Le parc ne semblait connaître aucune limite et la maison se déroba bientôt à nos yeux.

Nous nous arrêtâmes à proximité d’une colossale fontaine ou Poséidon montait son char tiré par quatre dauphins. Chacune des bêtes crachait une gerbe cristalline qui retombait silencieusement dans l’eau.

 

 

Publié dans erebusbiblotecae

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